Pour ceux qui s'intéressent aux transferts des connaissances dans une étape de changement organisationnelle seront fortement intéressés à cette thèse de doctorat en administration de Julie Béliveau à l'université de Sherbrooke : « Le rôle des cadres intermédiaires dans le transfert d’une approche humaniste de gestion, de soins et de services : une étude multi-cas au Centre de réadaptation Estrie ».
Elle fournit des pistes de conditions de possibilité au succès d'un tel projet tout en rejoignant la vision d'éthique organisationnelle que promeut ce blogue.
http://www.usherbrooke.ca/ceot/fileadmin/sites/ceot/documents/Publications/Memoires_et_theses/these_juliebeliveau.pdf
Pour ceux qui sont intéressés à discerner leurs actions par le sens au lieu des idées! De plus, mon travail de recherche m'a permis de constater que la mise en place d'une éthique organisationnelle ne venait pas seulement améliorer la qualité de vie de tous les travailleurs, administrateurs compris, mais bonifiait d'autant la rentabilité de service ou de production de l'organisation. SVP, faites-moi part de vos commentaires, vos propositions, vos nuances, vos désaccords, etc.
jeudi 16 mai 2013
lundi 18 février 2013
ÉTHIQUE DES MÉDIAS, cas tiré du journal Le Devoir
Introduction
Lorsque
nous entendons parler d'éthique, nous comprenons généralement qu'il s'agit de
valeurs, de recherche de sens. En fait, je suis porté à croire que chaque
personne, peu importe son origine sur la planète, ressent des aspirations de
«vie bonne» et de recherche du «Bien». C'est l'interprétation de la «vie bonne»
et de la recherche du «Bien» qui diffère selon les personnes. La culture de
chaque société , tissée avec les expériences particulières personnelles, se traduit
par ce qu'on appelle la subjectivité. C'est la raison pour laquelle, dans le
but de dépasser les subjectivités, le discours de l'éthique appliquée, que
j'utilise, recherche une prise de décision qui créera une ouverture au partage
de sens pour toutes les personnes qui seront touchées par l'action décidée.
Contexte de la situation
Je suis abonné au journal "Le
Devoir". En regardant l'édition électronique du 16 février 2013, je vois
dans la colonne de droite "En vedette, Jacques
Parizeau en entrevue au Devoir"
Comme le sujet m'intéresse, je clique
sur le lien et je retrouve:
Jacques Parizeau en entrevue au Devoir
15 février 2013 23h25 | Alexandre Shields | Éducation
Avec, sous la photo de Jacques
Parizeau, le texte suivant:
"L’entrevue accordée au Devoir par l’ex premier ministre
Jacques Parizeau et publiée le 12 février a suscité un vif intérêt. Pour
nourrir la réflexion, nous livrons ici
le compte-rendu complet de
cet entretien portant sur l’enseignement supérieur."
En lisant ce compte rendu complet de
l'entretien, je remarque un ajout important de ce qui avait déjà été publié le
12 février dernier:
À la question du journaliste:
"Existe-t-il
certaines conditions, en matière de fonctionnement des universités, à
considérer si l'on choisit la gratuité scolaire ?"
Jacques Parizeau répond:
"Si l'on allait vers la gratuité, c’est-à-dire en contradiction
avec ce qui se fait sur le continent, mais aussi dans plusieurs pays d’Europe,
ça implique une redéfinition des universités. Il faudrait des examens d’entrée.
Il faut éviter ce que la gratuité entraîne.
Quand
je me suis inscrit à la faculté de droit, à Paris, dans les années 50, j’ai
payé 8 $. J’étais au doctorat, donc il y avait un peu moins de monde. En
première année de licence, il y avait 4000 inscrits. La plus grande salle de la
faculté de droit avait 200 places. Il y avait beaucoup de gens qui
s’inscrivaient pour prendre une chance. Il y avait un abattage terrible dès la
première année. À la fin, il restait 400 inscrits.
Aux HEC, quand j’étais professeur, on a ouvert les vannes. En
première de bac, on avait 900 étudiants. Aux examens de décembre, il y avait un
abattage terrible. Il en partait 300. Il y avait une foule de professeurs qui
enseignaient à des coulés virtuels. Donc, s’il y a la gratuité, il y a un
resserrement à faire. Il faut changer un peu la structure. L’Université de
Montréal, en ouvrant toutes grandes ses portes, est rendue à 76 000 étudiants.
C’est trois fois Harvard. Si on va vers la gratuité, il faudra repenser nos
modèles d’université. Il faudrait notamment consolider les études longues, qui vont
du baccalauréat au doctorat."
La réponse de Jacques Parizeau
implique alors un contingentement des places disponibles dans les différentes
facultés ce qui enlève, alors, un poids énorme sur les incidences financières.
Avoir eu connaissance, de cette
question et réponse dans l'article du 12 février, aurait passablement changé
mon opinion dans ma façon de percevoir une avenue de la gratuité scolaire et
aurait changé ma perception, que m'a donnée cet article, de Jacques Parizeau
lui-même. D'ailleurs, d'autres personnes ont peut-être eu le même genre de
mauvaise perception; dans deux titres du journal, la même journée, nous
retrouvons:
"Le pavé
"Gratuité scolaire: les ministres
péquistes banalisent la sortie de Parizeau
12 février
2013 16h48 | La Presse canadienne | Éducation" http://www.ledevoir.com/societe/education/370723/gratuite-scolaire-les-ministres-pequistes-banalisent-la-sortie-de-parizeau
Je ne suis pas certain que, si
l'article avait été complet dès le départ,
on aurait titré un "Pavé" et pas certain, non plus, que les
ministres péquistes auraient eu à banaliser la sortie de Jacques Parizeau.
Probablement devant la crédibilité et
le sérieux de la réputation du journal Le Devoir, cet article du 12 février a été
repris par beaucoup de médias sans que l'on ait vérifié si l'article était complet:
Radio-Canada http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2013/02/12/004-jacques-parizeau-gratuite.shtm
Journal de Montréal http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2013/CBF/CestBienMeilleurLeMatin201302120710_4.asx
Journal "La Presse http://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/francis-vailles/201302/13/01-4621064-parizeau-luniversite-et-les-droits.php
Sur
Yahoo http://fr-ca.sports.yahoo.com/news/parizeau-gratuit%C3%A9-scolaire-envisageable-180817502.html
D'ailleurs,
le 16 février, à la suite de la parution du texte complet, paraissait au journal
Le Devoir, un article de Robert Dutrisac ajoute, justement, un bémol à
cette gratuité scolaire qui ira jusqu'à faire grimacer Françoise David:
"De son côté, Jacques Parizeau a réussi, dans une
entrevue accordée au Devoir, à donner de la crédibilité à l’idée de la
gratuité. Les étudiants qui se battent pour la gratuité « ne sont pas
hors-norme, ils ne sont pas hors d’ordre ». Mais l’ancien premier ministre a
ajouté que la gratuité impliquerait « une redéfinition des universités » et
l’imposition d’examens d’entrée. Au Journal de Québec, la présidente du réseau
de l’Université du Québec, Sylvie Beauchamp, abonde dans le même sens. Dans un
pays comme la Finlande, où l’université est gratuite, 90 000 candidats passent
des examens d’entrée et le tiers seulement est admis. Sans compter que dans les
grandes écoles françaises, par exemple, les étudiants issus des classes riches
se paient une année de préparation et sont ainsi favorisés.
À la perspective d’un contingentement accru, Françoise David,
tenante de la gratuité, grimace. Elle s’oppose aux examens d’admission et à un
contingentement plus sévère qu’à l’heure actuelle." http://m.ledevoir.com/politique/quebec/371131/le-sommet-de-la-feuq
Questionnement en rapport à
l'éthique appliquée à ce cas
Mon questionnement et mon malaise se
situent là; avec l'impression de voir, alors, une manipulation de l'information en
ayant retenu une partie déterminante de ce qu'avait dit Jacques Parizeau.
Ce qui a été publié la journée du 12
février était vrai, mais d'avoir décidé
de retirer la réponse de cette
question ("Existe-t-il certaines conditions, en matière de fonctionnement des
universités, à considérer si l'on choisit la gratuité scolaire ?"),
pénalisait la possibilité, pour le lecteur de se faire une opinion juste de la
pensée de Jacques Parizeau.
Pour faire suite à l'introduction, je
reprends la définition de l'éthique appliquée que j'utilise:
En
rapport à une situation donnant lieu à un malaise, le travail que je consens à
faire avec d'autres dans le monde, par le dialogue, afin de discerner et
décider les actions en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les
personnes impliquées par ces actions.
J'essaie de vérifier si l'action
décidée créait une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes en
cause. Alors je pose les questions suivantes:
Est-ce que, d'avoir décidé d'omettre
la question "Existe-t-il certaines
conditions, en matière de fonctionnement des universités, à considérer si on
choisit la gratuité scolaire ?" dans l'article initial du 12 février, permettait
un partage de sens pour les lecteurs, pour les ministres, pour Jacques Parizeau,
pour l'ASSÉ, en fait, particulièrement, pour toutes les personnes qui ont pris
position suite à l'article incomplet du 12 février?
Est-ce que les médias, qui ont repris
cette nouvelle, auraient dû vérifier si l'article était complet avant de
publier leurs opinions?
J'aimerais bien connaître votre
opinion à ce sujet.
mardi 12 février 2013
DES FORMATIONS QUI FONT PEUR
En étant sur la page d'accueil du site LinkedIn, mon regard a été attiré
par une publicité du site, à la droite de la page:
Ma curiosité ayant été émoustillée, j'ai cliqué sur le lien
et je suis tombé sur une page du site "Coaching Québec" intitulé «Cours
de Maître – L’Arme secrète de Milton Erickson». Continuant à lire je retiens
quelques passages que je vous cite en blocs:
"Milton Erickson était reconnu pour son habileté à induire
une transe hypnotique d’une telle façon que ses suggestions étaient difficiles
à ne pas accepter. Tout était dans la façon dont il communiquait avec ses
patients… mais personne n’avait la moindre idée de la façon dont il faisait."
"Quand vous savez comment utiliser la Série de Non-Conscience,
personne ne peut vous résister… de sorte qu’il est beaucoup plus facile
d’influencer les autres."
"Tout simplement parce que la Série de Non-Conscience permet de communiquer,
de façon conversationnelle et, sans que personne ne s’en rende compte,
directement au niveau déclencheur de l’esprit subconscient d’une personne… de
sorte que, peu importe le niveau de résistance de cette personne, elle ne
pourra pas s’empêcher de penser et d’agir comme vous le souhaitez… afin de
l’amener dans son processus de changement…"
"TRÈS UTILE ET PUISSANTE DANS TOUS LES CONTEXTES RELATIONNELS ET
D’INFLUENCE !
En management… En affaires… La Série de
Non-Conscience permet de gérer les différents contextes beaucoup plus
efficacement, beaucoup plus rapidement… en étant un excellent outil d’influence
par une communication qui enraye la résistance… dans la mesure où l’on s’en
sert avec intégrité…"
Alors, lorsque je reprends ma façon de comprendre et de voir
l'éthique et l'éthique appliquée, j'avoue que je vis un grand malaise. Si je
reprends la définition de l'éthique appliquée:
"En rapport à une situation
donnant lieu à un malaise, le travail que je consens à faire avec d'autres dans
le monde, par le dialogue, afin de discerner et décider les actions en créant
une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées par ces actions"
Je pose les questions suivantes:
Pensez-vous, que les personnes qui subiront cette influence,
"peu importe le niveau de résistance de
cette personne, elle ne pourra pas s’empêcher de penser et d’agir comme vous le
souhaitez", trouveront du sens d'être influencées de cette façon?
Pensez-vous qu'en ajoutant "dans la mesure où l’on s’en sert avec intégrité",
cela rend l'approche plus éthique?
Évidemment, ma façon de concevoir l'éthique et l'éthique
appliquée m'est personnelle et ne représente pas LA VÉRITÉ. Elle me correspond.
Merci s'il y a des personnes qui viennent la questionner et la déranger. Cela
me permettra de grandir dans ma perception comme dans ma personne.
Peut-être que j'interprète mal le texte de ce site, mais
lorsque je saisis que l'on veut donner des moyens pour contrôler les autres, de
les réduire en objets pour les amener à "penser et d’agir comme vous le souhaitez", j'avoue que je
suis horrifié.
Imaginez le type de gestionnaire qui utilise ce type de coaching,
qui nous prend pour des objets, quelles sortes de relations sera vécues dans
ce milieu de travail?
En plus, savez-vous que, vous et moi, nous contribuons
financièrement à ce type de formation? Voici ce que nous retrouvons sur la page
d'accueil Coaching Québec:
"Nous sommes un établissement
d’enseignement reconnu par Revenu Québec et accrédité par Ressources Humaines
et Développement social Canada, ce qui permet à nos étudiants de bénéficier du crédit d’impôt provincial et
fédéral pour frais de scolarité, d’études et de manuels scolaires."
samedi 9 février 2013
PRISONNIER DES NORMES
Le présent pamphlet voudrait favoriser une réflexion sur les
normes. Je me servirai, comme point d'ancrage, d'un reportage, du 5 février
2013, dans le cadre de l'émission 18 Heures de Radio-Canada: «des délais
déraisonnables». Cela concernait le vécu d'un handicapé qui s'est fait
construire une rampe d'accès à sa maison. Comme il vivait seul, il ne pouvait
pas attendre le délai de deux ans du programme de la Société d'Habitation du
Québec. Après avoir demandé un remboursement que pour les matériaux, il se
voyait refusé d'être compensé car il n'avait pas suivi les démarches prévues
selon les normes en vigueur à la Société d'Habitation du Québec.
Je voudrais d'abord féliciter Monsieur John MacKay,
président-directeur général de la SHQ de son courage d'avoir accepté d'être
interviewer. Il n'a pas eu la "langue de bois", il n'a pas essayé de
se faufiler, il s'est présenté comme un président-directeur général de la SHQ déchiré,
je dirais, entre son éthique personnelle (que cela le choque, en reconnaissant
que les délais sont inacceptables) et son éthique organisationnelle (en étant
l'administrateur de programmes gouvernementaux gérés par des normes prescrites).
Les normes
Pourquoi faisons-nous des normes, des règles, de lois?
Pourquoi, par exemple y a-t-il une règle qui interdit de courir autour d'une
piscine? Vous allez me répondre spontanément pour éviter que quelqu'un se
blesse. Pourquoi faire une règle qui interdit de passer sur un feu rouge avec
son véhicule? Encore là, vous allez me répondre facilement: pour éviter des
accidents.
Deux remarques à partir de ces deux questions:
- 1. Lorsque des règles, des codes, des normes, des lois sont écrits, c'est dans le but de protéger des valeurs.
- 2. Que lorsque nous regardons le libellé de toutes ces règles, etc., nous ne retrouvons pas la valeur qui les a initiées, nous ne retrouvons pas dans le libellé la raison d'être de ces normes, etc.
La répercussion de ceci: les règles deviennent souveraines, c'est-à-dire, causes première en elles-mêmes avec, dans le temps, la résultante: on utilise
des normes en oubliant la raison première qui les ont fait naître. Nous acquérons
l'habitude d'appliquer ces règles parce qu'elles sont là, sans nous poser de
questions. De plus, si nous décidons de ne pas appliquer une norme, nous risquons de nous faire taper sur les doigts. Nous sommes immergés dans une culture qui nous fait dire que nous vivons dans
une «société de droits».
Je ne dis pas que je suis contre toutes ces règles, normes,
etc.; au contraire, elles nous sont très utiles, nécessaires et applicables dans la très grande majorité
du temps mais, ce que nous avons à remettre en perspective, c'est qu'à chaque
fois qu'une situation nous fait prendre conscience que le résultat est injuste ou qu'il n'a pas de sens,
nous avons la responsabilité de retourner à l'essentiel, c'est-à-dire aux
valeurs. Il ne faut pas oublier que ce qui est premier ce sont les valeurs qui
nous ont fait écrire les différentes règles, normes, etc.
C'est ce que je reproche à l'expression «société de droits»
j'aimerais mieux «société de valeurs» protégée par des règles, normes, etc. L'éthique appliquée peut devenir un moyen pour aider à harmoniser notre culture...
lundi 4 février 2013
DÉCISIONS LORS DE DILEMMES TRAGIQUES
Il arrive des situations où il nous apparait que, peu
importe la décision, nous en ressortirons perdant. Je prendrai deux exemples et
nous tenterons de regarder comment l'éthique appliquée et l'éthique
organisationnelle, une de ses dérivées, pourront nous aider à discerner la voie
à suivre.
Bien sûr, nous ne pourrons arriver à donner des solutions,
car celles-ci seront différentes et elles appartiennent à chaque personne en
position de décider.
Pour débuter, je reprendrai les deux définitions qui nous serviront
d'assises dans notre réflexion:
Éthique appliquée: face à une problématique, le travail que
je consens à faire avec d'autres, par le dialogue, afin de discerner et décider
les actions conduisant à un partage de sens pour toutes les personnes
impliquées par ces actions.
Éthique
organisationnelle: comme la visée, par la délibération, que se donnent tous les
membres d'une organisation, afin de définir les valeurs rassembleuses donnant
sens pour toutes les personnes impliquées et reflétant la mission et visions de
l'entreprise.
Nous pouvons constater la parenté de ces deux définitions en
ce qu'elles conduisent, toutes les deux, vers un partage de sens pour toutes
les personnes impliquées.
Si nous nous approchons du vocabulaire des organisations, chaque
personne en lien avec une organisation (travailleurs, gestionnaires,
actionnaires, clients), sera considérée comme une partie prenante (stakeholder).
L'implication de cela: chaque personne, dans les situations qui la concernent,
sera consultée. Cette implication lorsqu'elle est réalisée favorisera un climat
de sécurité chez les personnes qui soutiendra, du même coup, leur autonomie,
leur créativité, leur énergie, leur motivation, leur responsabilité, leur vie, leur
appartenance permettant de demeurer sur la voie du sens autour des valeurs explicites
de l'organisation.
Premier exemple:
Lorsqu'un «manager» doit décider, pour rentrer dans son
budget, s'il licencie l'employé A, le meilleur de son équipe et qui affiche un
très gros salaire, ou s'il se passe des services des employés B, C & D, qui
ensemble représentent un salaire global équivalent à celui de A.[1]
Lorsque le discours de l'éthique organisationnelle est
appliqué dans l'organisation, le «manager» en question n'a plus à supporter
seul ce problème. Comme chaque personne affectée par une décision est une
partie prenante de l'ensemble, elle sera consultée. Pourquoi, alors, ne pas
rencontrer toutes les personnes concernées par le dilemme pour en parler? Il y
aura, à ce moment, trois pistes de solution. Les deux premières: congédier A ou
congédier B. C & D. La troisième viendra peut-être de la rencontre de
toutes ces personnes avec une solution originale.
Une chose est certaine, vous sortirez gagnant de ce dilemme
en ce sens que toutes les personnes visées se sentiront respectées, même
celle(s) qui perdra(ont), car la décision fera sens pour tous. De plus, un gain
sera fait sur le sentiment d'appartenance, le dilemme ayant été traité en
relation avec des personnes et non avec des objets.
Deuxième exemple:
Bien que cela ne touche pas des décisions courantes, je
trouve intéressant de l'aborder, car elle met en lumière les répercussions de
notre définition de l'éthique appliquée. Pour vous aider à y réfléchir, je vais
vous poser trois questions.
Une personne vient d'être arrêtée après qu'elle a caché une
bombe de très grande puissance qui pourrait tuer des milliers de personnes. Avons-nous
le droit moral de la torturer?
Si l'on pouvait questionner les personnes qui vont mourir si
la bombe éclate, pensez-vous qu'elles trouveraient du sens à ce que la personne
arrêtée soit torturée?
Pensez-vous que la personne qui a posé la bombe trouve du
sens à ce qu'elle ne soit pas torturée?
[1]
J'ai pris cet exemple sur le site des blogues d'Olivier Schmouker:
"Comment résoudre un dilemme?" C'est à la suite de cet article que
j'ai décidé d'écrire ce pamphlet.
vendredi 4 janvier 2013
LA PERVERSION DU RAPPORT AU TEMPS OU «CHRONITE»
Relisant mes bonnes vieilles notes de cours, je suis tombé sur un texte de Jean-François Malherbe et je ne peux et ne veux m'empêcher de le partager en ces temps où l'économie règne sur notre monde; je cite donc une partie de "textes à discuter" du cours Religion Éthique Spiritualité de l'automne FaTEP Université de Sherbrooke, 2006.
Bonne réflexion!
Bonne réflexion!
La doctrine du libéralisme économique prônant la libre entreprise, la libre concurrence et le libre jeu des
initiatives individuelles s’abrite, on l’a vu, derrière l’illusion que «l’argent
travaille», idéologie qui joue à l’égard de cette doctrine le rôle d’un mythe
fondateur. Mais il est un autre mythe fondateur du libéralisme économique: que,
selon la redoutable formule attribuée à Benjamin Franklin, «le temps, c’est de l’argent»!
On retrouve ici,
sous un autre aspect, la question du prêt à intérêt. En effet, si
«le temps, c’est de l’argent», c’est certes parce qu’il nous est
possible d’échanger notre temps de travail contre de l’argent mais aussi parce
que le temps qui passe permet au capital de «fructifier» c’est-à-dire de
«rapporter de l’intérêt». Nous savons maintenant que cette façon de raconter
l’histoire n’est pas la seule possible. Aristote, Épicure et Marx ont contribué
à construire un autre récit – et, par conséquent, une autre intelligibilité - :
«les humains conjurent leur peur de la mort en tentant d’accumuler des
richesses qu’ils volent à ceux qui les produisent». Le mythe selon lequel «le
temps, c’est de l’argent» confirme cependant à sa manière le second récit
puisqu’il fait également apparaître que, si «le temps, c’est de l’argent»,
c’est parce qu’il faut du temps pour «produire de la plus-value» et finalement
pour «spolier le surtravail». Bref, l’affirmation que «le temps, c’est de
l’argent» a pour corrélat critique l’affirmation que «le temps, c’est du
surtravail».
Mais quelle est la
conception du temps qui permet de telles affirmations? Pour tenter d’élucider
la question du temps, je vais emprunter, une fois encore le chemin détourné de
l’étymologie. De quels mots les anciens Grecs disposaient-ils pour
signifier le temps? Le mot «chronos» vient immédiatement à l’esprit, certes.
Mais il en est d’autres, plus ou moins inconnus. Les dictionnaires m’en ont
proposé quatre en tout. Les voici: chronos, kairos, schôlè et diatribè. Ces
mots signifient tous le temps. Chacun en souligne toutefois une texture
particulière.
Chronos, le plus
connu, renvoie au temps mesuré, au temps mesurable, au temps de la science et
de la technique, au temps des «chronomètres», des horloges, des calendriers,
des rendez-vous, des synchronisations et aussi au temps des intérêts bancaires.
C’est le temps qui a permis d’envoyer des humains sur la lune. C’est le temps
des programmations artistiques et de la gestion par objectifs. Bref, c’est le
temps calculable, fractionnable, comptable. C’est la succession sans liens de
moment égaux.
Kairos dénote une
autre texture du temps, plus qualitative que quantitative. L’expression désigne
le temps favorable à une action particulière: le temps des semailles, le temps
de la récolte; le temps de féconder, le temps de porter, le temps de délivrer;
le temps de travailler, le temps de se restaurer, le temps de se reposer. C’est
le temps opportun. Le temps de se taire et le temps de parler. Le temps de
recevoir et le temps de donner. Bref, c’est le temps de l’initiative risquée
que l’on a de bonnes raisons d’espérer heureuse.
Schôlè, dont la
plupart des langues européennes ont tiré «école» (school, scuola, escuela, Schule…)
signifie pour les anciens Grecs un temps de «loisirs». C’est le temps de ne
rien faire, c’est le temps d’être. C’est le temps de méditer, de laisser monter
en nous ce qui était resté caché, secret. C’est le temps de la vérité vécue.
C’est le temps de la disponibilité, de l’accueil de l’inattendu, du surprenant.
Le mot latin correspondant est otium. Au Moyen Âge, on parlait de l’otium
monasticum pour désigner ce temps pendant lequel les moines s’abandonnaient à
la méditation. Le contraire d’otium, c’est negotium qui désigne le négoce. Le
négociant est quelqu’un qui n’a pas de loisirs. Aujourd’hui encore, en grec, un
«homme d’affaire» se dit ascholos: quelqu’un qui est privé de loisirs,
quelqu’un pour qui «le temps, c’est de l’argent».
Diatribè se compose
de la racine –trib- qui renvoie à l’«usure» (au sens mécanique du terme) et du
préfixe «dia-» qui connote une nuance d’intégralité. La diatribè, c’est, pour
un tapis, l’usure «à la corde». Il faut du temps pour user un tapis, pas à pas.
Il faut du temps pour que le torrent transforme la roche en galet, goutte à
goutte. Il faut du temps pour que peu à peu le pommier s’incline sous le vent.
Le mot «diatribe» a été conservé en français et désigne «une critique amère, violente et, le plus souvent, injurieuse». Autrement dit:
une «guerre d’usure». C’est le temps de l’entropie qui sculpte notre univers.
C’est le temps du vieillissement. C’est le temps du travail de la mort dans la
vie et de la vie dans la mort.
Évidemment, ces
quatre textures du temps sont très différentes les unes des autres. Elles
entretiennent néanmoins des rapports très étroits. L’usure peut se mesurer en
années ou en milliers d’années. Il est des temps favorables à la programmation
et d’autres à la méditation. Méditer prend du temps. Mais ce que fait
apparaître leur diversité, c’est que l’une d’entre elles seulement peut avoir
un lien avec l’argent: le temps «chronique». Les autres textures du temps ne se
prêtent pas au calcul bancaire. Certes, on pourra dire que «méditer coûte cher»
pour signifier que la méditation est du temps perdu pour l’accumulation du
capital; mais cela signifie en vérité que la méditation échappe à l’argent.
Certes, on tente de nous persuader d’utiliser nos temps libres à consommer des
«loisirs», c’est-à-dire des biens et des services dont le commerce rapporte de
l’argent. Mais précisément, ces loisirs lorsqu’ils sont mis en marché excluent
presque toujours toute possibilité de devenir soi. Le «marketing» n’est-il pas
destiné à nous faire acheter la même chose que tout le monde en nous faisant
croire que nous sommes uniques… Et si le kairos comporte un risque, ce n’est
pas un risque calculable, assurable, dont nous pourrions être protégés par le
versement d’une prime. Il n’y a pas d’assurance qui puisse nous mettre à l’abri
d’une déclaration d’amour mal venue ni du résultat éventuellement
catastrophique d’élections que nous avions pourtant cru déclencher «au bon
moment».
C’est dire que le
dogme libéral selon lequel «le temps, c’est de l’argent» opère dans la texture
du temps une excision radicale qui détache le temps comptable des autres formes
du temps qu’il déclare «nulles et non avenues», «inutiles», voire «nuisibles».
Mais cette coupure, qui isole le temps chronique de ses congénères, en fait un
temps «diabolique». La rupture des liens qui attachaient le temps
chronique aux temps «kairique», «scolaire» et «diatribique», à l’occasion
favorable, à la méditation et à l’usure, le transforme en instrument de
violence diabolique. Désormais, le déroulement du temps chronique servira
d’argument pour augmenter les cadences de production, réduire les temps
«morts», déjouer l’usure des outils de travail, favoriser la rivalité des
concurrents, etc.
Notre
culture est malade du temps, elle souffre de «chronite». Cela signifie qu’elle
accorde un privilège indu au «chronos» et, du même coup, ne discerne plus les
moments favorables au devenir-soi (kairos), se prive des ressources vivifiantes
de la méditation (schôlè) et se voile son propre rapport à la mort (diatribè).
Voilà pourquoi et comment l’individu contemporain se trouve solidement entravé
lorsqu’il tente d’agir en «sujet économique» véritable: l’accès au temps de la
méditation, qui lui apporterait la lucidité nécessaire à une action libre et
rationnelle, lui est systématiquement volé.
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