À la suite de Carl Rogers, nous croyons que le désir de la
vie bonne et de la recherche du bien est ressenti par toutes les personnes
indépendamment de ce qu'elles affichent dans la réalité.
« Voici enfin une leçon profonde qui
est peut-être à la base de tout ce que j'ai dit jusqu'ici : elle s'est imposée
à moi tout au long des vingt-cinq années au cours desquelles j'ai essayé de
venir en aide à des individus en détresse. La voici dans toute sa simplicité : «
mon expérience m'a montré que, fondamentalement, tous les hommes ont une
orientation positive ». Dans mes rapports les plus profonds en psychothérapie
avec des individus, même chez les plus perturbés, chez ceux dont le
comportement est le plus antisocial, dont les émotions sont les plus anormales,
ceci reste vrai. […] Je ne voudrais pas être mal compris. Je ne crois pas avoir une vue naïvement
optimiste de la nature humaine. Je suis
tout à fait conscient du fait que, par besoin de se défendre contre des peurs
internes, l'individu peut en arriver à se comporter de façon incroyablement cruelle,
horriblement destructive, immature, régressive, antisociale et nuisible. Il n'en reste pas moins que le travail que je
fais avec de tels individus, la recherche et la découverte des tendances très
positivement orientées qui existent chez eux comme chez nous tous, au niveau le
plus profond, constituent un des aspects les plus réconfortants et les plus
vivifiants de mon expérience »[1].
C'est cette tension, que nous pourrions dire ontologique, à
désirer la vie bonne et à rechercher le bien que nous nommons "éthique".
Cependant, même avec ce désir de la vie bonne et de la recherche du Bien, il
existe des problèmes entre les personnes, les organisations, les sociétés.
Comme nous l'avons dit auparavant, l'interprétation de la "vie bonne"
et du Bien, passe au travers les filtres des personnes, des organisations, des
sociétés en lesquelles nous sommes insérés provoquant, ainsi des réponses
différentes. C'est la raison pour
laquelle, dans la figure 1, la flèche, représentant l'éthique, en passant
de la Vie vers le sujet, traverse les sociétés et les organisations. De même,
les décisions et les actions issues du discernement, en éthique appliquée,
trouveront cette même difficulté d'adéquation dans l'interprétation qui en sera
faite par les différentes organisations et sociétés qu'elles traverseront. Une
décision, donnant du sens à tous les Québécois, ne signifie pas nécessairement
que les gens d'autres pays seraient en accord avec la même décision.
Que la personne en soit consciente ou non, l'éthique se
trouve tout naturellement en elle, nous la définissons ainsi : "Au cœur du
désir inconscient de la personne et ontologique à elle, elle est la propension
à désirer la vie bonne et à rechercher le Bien. Elle est perçue, dans la
personne, sous les formes d'invitations, d'aspirations, d'intuitions, souvent
en la médiation des relations intersubjectives à laquelle elle participe, vers
la réalisation de l'Humanité". Nous retrouvons chez Socrate un écho de
cette propension qui peut être entendue en toute personne :
« Socrate distingue le rôle que ses
disciples voulaient lui faire jouer (notamment lorsque Criton avait préparé son
évasion de la prison où il attendait le jour de boire la ciguë) de la liberté
intérieure que lui conférait son daimonion, cette « petite voix sans mots» qui tout en l'avertissant des erreurs à ne pas
commettre, ne lui disait jamais quoi faire. »[2]
Quant à cette propension, le sujet peut dire non; en rapport
à ce non, il n'y aura pas apparition d'un sentiment de culpabilité comme dans
le cas de la morale, mais au plus un sentiment de regret paisible relativement
à son refus, car il n'y a pas, là, le caractère d'obligation intrinsèque à la
morale.
Nous disons "en la médiation des relations
intersubjectives auxquelles elle participe" car, c'est souvent
l'intervention d'une autre personne qui perturbera les acquis du sujet, qui
perturbera ses petites vérités et qui le mettra en questionnement, en le
faisant se situer en ce lieu de l'intersubjectivité où il pourra discerner et
écouter ce qui se passe en lui, provoquant ainsi un apprentissage par
adéquation[3].
"Vers
la réalisation de l'Humanité" car il nous semble que dans toutes les
cultures et à toutes les époques, il y a une recherche de normalisation de la
vie courante en tendant vers la Justice, le Bien comme le démontre le Code
d'Hammourabi.
« Le code du roi
Hammourabi de Babylone est le plus vieux code, retracé en 1902,
dont
nous disposions. Hammourabi régna de 1793 à 1750
avant Jésus-Christ. Écrit sur une stèle diorite, le code proclamait sur la
place publique les règles juridiques de la société. Il prévoyait même que les
animaux qui tuaient des personnes devaient à leur tour être mis à mort »[4].
Nous
reprenons, ici, le concept d'autonomie de Jean-François Malherbe que nous
interprétons d'une façon beaucoup plus large en disant qu'aujourd'hui, dans
notre culture et à notre époque, la finalité éthique invite à rechercher, comme
il le distingue à la colonne des
finalités : à cultiver la solidarité, la dignité et la liberté des personnes en
relation avec nous croyant, comme nous l'avons présenté au tout début, à la
mise en œuvre d'un réel tissu humain que nous pouvons appeler Humanité. L'éthique,
pour nous, représente ce dynamisme qui appelle, en toute personne, l'advenue de
l'Humanité en elle et autour d'elle. Nous pourrions voir en ce qui suit une
autre façon de le dire :
« Au commencement, il y a le désir. Comme un
dynamisme, comme un moteur de vie, comme une source. Au commencement de la
personne humaine, il y a le désir de s'ouvrir et de rencontrer ce qui n'est pas
soi. Il y a ce dynamisme intérieur qui nous fait percevoir le monde par nos sens
et interagir avec lui. Ce dynamisme d'ouverture nous fait activement chercher à
ressentir le monde, à l'accueillir, en même temps qu'à y entrer, à s'y investir » [5].
[1] Rogers, Carl Ransom, "Le
développement de la personne", Dunod-InterÉditions, Paris, 2005, 274
pages, page 23
[3] Mode d’apprentissage où l’information
reçue vient éveiller, ou rejoindre une compréhension déjà présente, mais comme
en latence, donnant une compréhension intérieure dans une congruence qui peut
faire dire : « oui c’est ça, ça fait sens! » Ou encore l’information nouvelle reçue se
place en congruence en nous dans une sensation d’accord et qui aussi nous fait
dire : « oui c’est ça, ça fait sens! ». A ce moment là, mon action
sera entreprise en concordance à une compréhension intérieure.
[4] Legault, Georges A,
"Professionnalisme et délibération éthique", Pesse de l'Université du
Québec, 2003, 290 pages, p 71
[5] Champagne Élaine, La chair et le
Souffle : Désirer connaître" Revue internationale de théologie et de
spiritualité, Bellarmin, Bibliothèque et archives nationales du Québec, 2006,
No 1, 109 p, p73
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